Bon, elle avait sonné, attendu bien cinq minutes devant la porte, tout ça pour quoi? Monsieur n’était pas encore rentré. Ah la bonne heure! Thomas devait encore préparer un coup foireux dans un bar à l’autre bout de la ville… ou dans le caveau d’une quelconque relation étrange qu’il pouvait avoir. Après, moins on en sait, mieux on se porte et franchement, Nina n’avait pas spécialement envie de connaître les collègues de son ainé, elle voulait juste qu’il en change, de collègues.

N’empêche qu’elle aurait bien aimé rentrer là! Ça faisait longtemps qu’elle s’était dit qu’elle irait voir Thomas et elle comptait bien le faire aujourd’hui. Elle avait même pris un jour de congé! Il était donc hors de question de retourner à son appart avant de voir son frère. Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’elle y ferait à son appart? Molly lui avait bien parlé d’une série, un truc qui se passait dans un lycée, mais après être tombée sur la trilogie du Parrain, cadeau du frangin, son envie de soirée télé s’était brusquement envolée.
Bref, pas question de rentrer maintenant. Au pire, elle ferait un peu de nettoyage en attendant Thomas et ce n’était pas une porte fermée qui allait l’arrêter.

Heureusement, Nina n’était pas née de la dernière pluie et surtout, ce n’était pas la première fois qu’elle se retrouvait confrontée à un tel problème.
Et c’est ainsi que Nina, trente-cinq ans, allait accomplir le rêve de tout policier en quête de gloire : elle allait s’infiltrer chez le parrain de la mafia italiano-londonienne et ce, en plein jour. Admirez et prenez-en de la graine!

C'est sûr qu'après.. quand on est la sœur dudit parrain et qu'on a un double des clés, cette affaire semble d’un coup bien plus simple et nettement moins impressionnante. Tout ce qu’elle avait à faire était de minauder auprès de la concierge pour qu’elle lui ouvre la porte, ayant encore oublié le code.

Bon d’accord, elle faisait un peu plus que de minauder, mais la vieille femme la connaissait, l’ayant déjà vu de nombreuses fois avec Thomas et puis connaissant le fauve, l’excuse de Nina lui semblait tout à fait plausible :

« Thomas devrait rentrer tard ce soir et comme je voulais passer le voir, il m’a chargée de nourrir son monstre. Je crois qu’il a peur de se faire arracher la jambe par un tigre affamé… J‘ai les clés, mais je ne me souviens plus du code...»

Ajoutez cela à un charmant sourire, une attitude calme, discrète, et le tout était joué, la vieille dame ne pouvait décidément rien refuser à Nina. Ah… Disait-elle, si seulement sa petite fille pouvait autant se préoccuper de sa famille que mademoiselle Neil…

Quelques instants plus tard, la jeune femme fermait la porte de l’appartement de son frère derrière elle, prête à faire face au péril de la journée, la Bête. Plus apparentée au tigre de Bengale qu’au chat de gouttière, elle régnait en maître dans l’appartement. Prudente, Nina s’approcha du monstre :

« Chérie les enfants… Viens par là mon beau chat… Je suis sûre que ton maître ne t’a pas nourrie hein ma grosse!  Quel irresponsable, je te jure!»

Apprivoiser la bête requérait un certain doigté, une bonne dose de courage, de patience et surtout, un abandon total de tout amour propre. Gagatiser devant un chat en espérant qu’il ne vous bouffe pas la jambe… Ouai, y avait plus classe comme entrée, mais au moins… ça faisait passer le temps?

Après s’être assurée que la créature ne broncherait pas, la jeune femme commença à errer dans l’appartement, s'occupant du ménage plus pour s'occuper que par réelle obsession de l'ordre.

Après avoir rangé ce qu’elle trouvait, ramassé le linge sale en faisant mine de ne pas remarquer les tâches suspectes de sang et autres, elle s’installa tranquillement sur le sofa, prête à accueillir le frère. Peut-être devrait elle lui lancer un petit : ‘We meet at last brother’ histoire de mettre l’ambiance?